Chronologie de la collaboration du régime de Vichy dans le génocide des Juifs

Pour un article plus général, voir Shoah en France.

Pendant l'occupation allemande, le régime de Vichy qui remplace la Troisième République en 1940 choisit la voie de la collaboration avec les nazis. Cette politique inclut les accords Bousquet-Oberg de juillet 1942 qui officialisent la collaboration de la police française avec la police allemande. Cette collaboration se manifeste, en particulier, dans les mesures antisémites prises par le gouvernement de Vichy et dans sa participation active au génocide des Juifs.


1940

Affiche apposée après octobre 1940, dans l'Aisne, sur les commerces juifs, dans le cadre de la politique d'aryanisation, indiquant la nomination d'un commissaire-gérant aryen. (Archives départementales de l'Aisne)
  • 10 juillet 1940 : Pierre Laval fait voter par le Parlement les pleins pouvoirs (constituant, législatif, exécutif et judiciaire) au maréchal Pétain, qui devient chef de l'État.
  • 22 juillet 1940 : Création par Alibert, ministre de la justice, d'une commission de révision des 500 000 naturalisations prononcées depuis 1927. La loi portant révision des naturalisations entraîne le retrait de la nationalité pour 15 000 personnes dont 40 % de Juifs.
  • Juillet 1940 : les Allemands expulsent plus de 20 000 Juifs alsaciens-lorrains vers la zone sud.
  • 27 septembre 1940 : Ordonnance allemande sur le statut des Juifs en zone occupée. Recensement des Juifs[1] (« fichier Tulard »), écriteau « Juif » sur les magasins tenus par des Juifs.
  • 27 septembre 1940 : Une loi de Vichy permet d'interner tout étranger « en surnombre dans l'économie française » dans les groupements de travailleurs étrangers
  • 3 octobre 1940 : Premier statut des Juifs. Les citoyens juifs français sont exclus de la fonction publique, de l'armée, de l'enseignement, de la presse, de la radio et du cinéma. Les Juifs « en surnombre » sont exclus des professions libérales. Article 9 : La présente loi est applicable à l'Algérie, aux colonies, pays de protectorat et territoires sous mandat.
  • 4 octobre 1940 : Les préfets peuvent interner les étrangers de race juive dans des camps spéciaux ou les assigner à résidence.
  • 7 octobre 1940 : Abrogation du décret Crémieux de 1871 ; la nationalité française est donc retirée aux Juifs d'Algérie.
  • 7 octobre 1940 : Zone occupée : « aryanisation » des entreprises.

1941

Affiche diffusée à Marseille en juillet 1941 annonçant le recensement des Juifs
  • 29 mars 1941: Création du Commissariat général aux questions juives (CGQJ). Xavier Vallat, premier commissaire.
  • 11 mai 1941 : Création de l'Institut d'étude des questions juives, officine de propagande antisémite, financée par les nazis (Theodor Dannecker) et dirigée par des agitateurs antisémites français : Paul Sézille, René Gérard…
  • 14 mai 1941 : « Rafle du billet vert » organisée par la préfecture de Police avec l'accord de la délégation générale du gouvernement français dans la zone occupée et sur demande des autorités d'occupation : 3 747 Juifs étrangers (sur 6 494 convoqués par la préfecture de police) sont parqués dans les camps de transit de Pithiviers et Beaune-la-Rolande, sous administration française[2].
  • 2 juin 1941 : Deuxième statut des Juifs : par rapport au premier statut, durcissement de la définition du « Juif », allongement des interdictions professionnelles, numerus clausus à l'Université (3 %), et les professions libérales (2 %). Les Juifs sont obligés de se faire recenser en zone libre. Article 11 du Statut : La présente loi est applicable à l'Algérie, aux colonies, pays de protectorat et territoires sous mandat. Ce statut autorise les préfets à pratiquer l'internement administratif de Juifs de nationalité française[3].
  • 21 juillet 1941 : « Aryanisation » des entreprises en zone libre.
  • août 1941 : Zone occupée : Internement de 3 200 Juifs étrangers et 1 000 Juifs français dans divers camps dont celui de Drancy.
  • Décembre 1941 : Zone occupée : 740 Juifs français membres des professions libérales et intellectuelles sont internées à Compiègne.

1942

Affiche de propagande antisémite de 1942 montrant « la tendance du judaïsme à l'hégémonie mondiale » (par le Comité d’action antibolchévique)

Les juifs d'origine polonaise à Lens.

Dans la nuit du 10 au , 528 Juifs (dont 123 femmes et 288 enfants) sont raflés avec la complicité de la préfecture de police, et seront gazés à Auschwitz. Une partie de la communauté juive étrangère était d'origine polonaise et était arrivée à Lens (Pas-de-Calais) dans les années 1920, avec les autres Polonais s'étant engagés dans les mines. Ceci n'avait d'ailleurs pas eu lieu sans une certaine dose de xénophobie et d'antisémitisme, notamment à la fin de l'entre-deux-guerres, avec la création en juillet 1938 d'un « Comité provisoire de défense du commerce français » qui dénonçait, par affichage, la venue d'un « NOUVEAU FLOT DE 300 000 JUIFS ÉMIGRÉS […] réparti entre la France, l’Angleterre et les États-Unis »  [sic] [4]. Selon les historiens N. Mariot et Cl. Zac, après l'exode de la moitié de la communauté juive de Lens à la suite de la bataille de France, le recensement de décembre 1940 dénombre encore 482 individus dits « israélites » dans la région, et plus que 13 en octobre 1942. Les auteurs citent plusieurs déclarations faites aux autorités en 1940, dont celle-ci:

« « Molinghem le 20 décembre 1940, Déclaration d’origine juive. Je soussigné S.André, né le 15 mai 1902 à Montluçon (Allier) exerçant la profession d’in- génieur à la société Châtillon-Commentry à Isbergues, domicilié à Molinghem, rue de l’Église, déclare être d’origine juive par trois grands-parents. Je déclare n’avoir jamais appartenu à la religion Israélite et être catholique. Ma famille est en France depuis plus de 200 ans. J’ai été mobilisé comme lieutenant de réserve. Je me suis marié le 28 novembre 1925 à Paris avec Mademoiselle M.Marie-Louise, née le 23 janvier 1902 à Decazeville qui est d’origine française. J’ai deux enfants : S.Bernard, né le 9 septembre 1926 et S.Anne-Geneviève née le 3 juin 1931[4]. »

.

1943

  • Janvier 1943 : Rafle de Marseille : destruction du Vieux-Port et rafles par les forces de l'ordre françaises. Près de 2 000 Juifs marseillais arrêtés et déportés. « Le Petit Marseillais » du écrit : « Précisons que les opérations d’évacuation du quartier Nord du Vieux-Port ont été effectuées exclusivement par la police française et qu’elles n’ont donné lieu à aucun incident. » [5]

Le quartier de l'Opéra, où vivaient de nombreuses familles séfarades, est vidé de ses habitants.

  • Février 1943 : Rafle de Lyon dans les locaux de l'UGIF.
  • 8 septembre 1943 : Capitulation de l'Italie conduisant à l'occupation de la zone italienne (Nice) jusqu'alors épargnée par les rafles.
  • Avril 1943 : Rafles de Nîmes et d'Avignon.
  • Septembre 1943 : Rafles de Nice et de l'arrière-pays niçois.

1944

Notes et références

  1. Le livre du souvenir
  2. Rapport de la préfecture de police du 14 mai 1941. Archives, pages 29-30. Cité par Serge Klarsfeld in Vichy-Auschwitz, tome I, p. 15.
  3. Denis Peschanski, « Le Régime de Vichy a existé. Gouvernants et gouvernés dans la France de Vichy. Juillet 1940-avril 1942 », in Angelo Tasca, Vichy, 1940-1944 : quaderni e documenti inediti di Angelo Tasca : archives de guerre d'Angelo Tasca, Éditions du CNRS, Paris ; Feltrinelli, Milano, 1986, p. 31
  4. a et b Nicolas Mariot et Claire Zalc, « Identifier, s'identifier : recensement, auto-déclarations et persécution des Juifs de Lens (1940-1945) », in Revue d'histoire moderne et contemporaine 3/2007 (n° 54-3), p. 91-117.
  5. Maurice Rajsfus, La Police de Vichy. Les forces de l’ordre françaises au service de la Gestapo, Le Cherche Midi éditeur, 1995.

Annexes

Bibliographie

  • Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article. La majorité des évènements datés relevés dans cet article sont commentés dans l'article de François et Renée Bédarida, « La persécution des juifs », in La France des années noires, Tome 2, Le Seuil, 1993.
  • Jean-Pierre Azéma (dir.) et François Bédarida (dir.), La France des années noires, vol. 2 : De l'occupation à la libération, Paris, Seuil, coll. « Points / histoire », , 632 p. (ISBN 978-2-02-018307-9, OCLC 773008199).
  • André Kaspi, Les Juifs pendant l’Occupation, Points Seuil, Paris, 1997.
  • Michael R. Marrus et Robert O. Paxton (trad. Marguerite Delmotte), Vichy et les Juifs, Paris, Calmann-Lévy, coll. « Diaspora » (no 20), , 431 p. (ISBN 2-7021-0407-X, présentation en ligne)
    Réédition : Michael R. Marrus et Robert O. Paxton (trad. de l'anglais par Marguerite Delmotte), Vichy et les Juifs, Paris, Calmann-Lévy, coll. « Diaspora », , 601 p. (ISBN 978-2-7021-5702-2).
  • Serge Klarsfeld, Vichy-Auschwitz, la « solution finale » de la question juive en France, Fayard, Paris, 3e édition, 2001.
  • Robert Paxton (trad. Claude Bertrand, préf. Stanley Hoffmann), La France de Vichy 1940-1944 [« Vichy France : Old Guard and New Order, 1940-1944 »] [« La France de Vichy : vieille Garde et Ordre Nouveau, 1940-1944 »], Paris, Éditions du Seuil, coll. « L'Univers historique », , 375 p. (présentation en ligne).
    Réédition : Robert Paxton (trad. Claude Bertrand, préf. Stanley Hoffmann), La France de Vichy 1940-1944 [« Vichy France : Old Guard and New Order, 1940-1944 »] [« La France de Vichy : Vieille Garde et Ordre Nouveau, 1940-1944 »], Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points histoire », (réimpr. 1999) (1re éd. 1973), 475 p. (ISBN 978-2-02-039210-5, présentation en ligne).
  • Renée Poznanski, Les Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale, Hachette, Paris, 1997 ; 1re éd. 1994.
  • Simon Schwarzfuchs, Aux prises avec Vichy, Histoire politique des Juifs de France, 1940-1944, éditions Calmann-Lévy, Paris, 1998.
  • Joseph Billig (préface d'Edmond Vermeil, avant-propos d'Isaac Schneersohn), Le Commissariat général aux questions juives (1941-1944), vol. 1, 2 et 3, Paris, Centre de documentation juive contemporaine, 1955-1957-1960, 392, 382 et 344 (ISBN 978-2-7071-4593-2 et 2-7071-4593-9, présentation en ligne).
  • Tal Bruttmann, Au bureau des affaires juives : l'administration française et l'application de la législation antisémite (1940-1944), Paris, La Découverte, coll. « L'espace de l'histoire », , 286 p. (ISBN 2-7071-4593-9, présentation en ligne).
  • Tal Bruttmann (éd.), Persécutions et spoliations des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, Presses universitaires de Grenoble, Grenoble, 2004.
  • Laurent Douzou, Voler les juifs. Lyon, 1940-1944, Hachette, 2002.
  • Renée Dray-Bensousan, Les Juifs à Marseille (1940-1944), Les Belles Lettres, Paris, 2004.
  • Jean-Marc Dreyfus, Pillages sur ordonnances. Aryanisation et restitution des banques en France, 1940-1953, Fayard, Paris, 2003.
  • Michaël Iancu, Spoliations déportations, résistance des Juifs à Montpellier et dans l’Hérault (1940-1944), éditions Alain Barthélémy, Avignon, 2000.
  • Laurent Joly, Vichy dans la « Solution finale » : histoire du Commissariat général aux questions juives (1941-1944), Paris, Grasset, , 1014 p. (ISBN 2-246-63841-0, présentation en ligne).
  • Beate Klarsfeld, Serge Klarsfeld, (éd.), Le mémorial de la déportation des juifs de France, Paris, 1978.
  • Florent Le bot, La fabrique réactionnaire. Antisémitisme, spoliations et corporatisme dans le cuir, 1930-1950, Presses de Sciences Po, Paris, 2007.
  • Jean Laloum, Les Juifs dans la banlieue parisienne des années 20 aux années 50, CNRS éditions, Paris, 1998.
  • Philippe Verheyde, Les mauvais comptes de Vichy. L’aryanisation des entreprises juives, Perrin, Paris, 1999.
  • Richard H. Weisberg, Vichy, la justice et les juifs, éd. des archives contemporaines, Amsterdam, 1998 ; 1re éd. New York, 1996.

Articles connexes

Lien externe

  • (fr) Les rafles du 26 août 1942
v · m
Collaboration en :
Prélude
Début
 v · m Participants
Participants
A – B
C – F
G – L
M – P
R – Z
Gouvernements
  • Laval V
  • Flandin II
  • Darlan
  • Laval VI
Parties et
organisations
Juridique
et traités
Idéologie
et politique
Portée
géographique
  • Zone libre (État français)
  • Zone occupée
  • Algérie (départements)
  • Syrie et Liban (mandat)
  • Maghreb
    • Maroc (protectorat)
    • Tunisie (protectorat)
  • Afrique-Occidentale française
    • Côte d'Ivoire (colonie)
    • Dahomey (colonie)
    • Guinée française (colonie)
    • Haute-Volta (colonie)
    • Mauritanie (colonie)
    • Niger (colonie)
    • Sénégal (colonie)
    • Soudan (colonie)
    • Togo (colonie)
  • Afrique-Équatoriale française
    • Tchad (territoire)
    • Moyen-Congo (colonie)
    • Oubangui-Chari (territoire)
    • Cameroun (colonie)
  • Asie et Océanie
    • Annam (protectorat)
    • Cambodge (protectorat)
    • Cochinchine (colonie)
    • Inde (colonies)
    • Indochine (fédération) Article de qualité
    • Laos (protectorat)
    • Nouvelles-Hébrides (condominium)
    • Kouang-Tchéou-Wan (territoire)
    • Tonkin (protectorat)
Presse et
propagande
Antisémitisme
et persécution
Lois
Administration
Rafles
Discrimination
et spoliation
Camps
Déportation
Armée
Forces armées
Régulières
Milices
Auxiliaires
Batailles
Officiers
Dissolution
Répercussions
et impact
Histoire
et médias
Histoire et
historiographie
Cinéma
Romans
v · m
Histoire
ancienne et régionale
par ville :
Articles détaillés
Vichy et la Shoah
Dans les musées Liste des musées juifs en France
Voir aussi
  • Catégorie:Synagogue en France
  • Catégorie:Cimetière juif en France
v · m
Cadre juridique
Rafles
Camps
Assassinats et déportation
Responsables allemands de la mise en œuvre
Responsables français de la mise en œuvre
Spoliation
 v · m Victimes notables
Victimes notables
A – B
C – F
G – J
K – L
M – R
S – Z
 v · m Survivants notables
Survivants notables
A – B
C – E
F – H
I – K
L
M – O
P – R
S
T – Z
Documentation
Lieux de mémoire
Justes parmi les nations
  • icône décorative Portail de la Seconde Guerre mondiale
  • icône décorative Portail de la culture juive et du judaïsme
  • icône décorative Portail de la Shoah
  • icône décorative Portail de la France