Droite d'Euler

Droite d'Euler en rouge, médianes en orange, médiatrices en vert, et hauteurs en bleu. Le point rouge est le centre du cercle d'Euler.

En géométrie euclidienne, dans un triangle non équilatéral, la droite d'Euler est une droite passant par plusieurs points remarquables du triangle, dont l'orthocentre, le centre de gravité (ou isobarycentre) et le centre du cercle circonscrit.

Cette notion s'étend au quadrilatère inscriptible et au tétraèdre.

Présentation

Euler établit en 1765 que dans un triangle non équilatéral (ABC), l'orthocentre H, le centre de gravité (ou isobarycentre) G et le centre du cercle circonscrit O sont alignés, et détermine les relations de proportionnalité entre les distances : HO = 3/2HG et GO = 1/2HG[1]. La droite (HGO) passe également par le centre Ω du cercle des neuf points, milieu du segment [OH], ainsi que par d'autres points remarquables du triangle[2]. Les quatre points H,G,O sont confondus pour un triangle équilatéral (et sinon, ils sont tous distincts).

Parmi les autres points remarquables, on peut citer le point de Longchamps, le point de Schiffler, le point d'Exeter et le perspecteur de Gossard.

En revanche, elle ne passe pas par le centre du cercle inscrit dans le triangle, sauf si celui-ci est isocèle. Dans ce cas, la droite d'Euler est l'axe de symétrie du triangle.

Détermination

Cercle et droite d'Euler.

Relation vectorielle d'Euler

La relation vectorielle d'Euler : O H = 3 O G {\displaystyle {\overrightarrow {OH}}=3{\overrightarrow {OG}}} exprime à la fois l'alignement de H , G , O {\displaystyle H,G,O} et leur disposition mutuelle.

Démonstration de la relation d'Euler

Si l'on admet la relation de Sylvester qui s'écrit  :

O H = O A + O B + O C {\displaystyle {\overrightarrow {OH}}={\overrightarrow {OA}}+{\overrightarrow {OB}}+{\overrightarrow {OC}}}

la relation d'Euler s'en déduit directement puisque le centre de gravité ou isobarycentre du triangle vérifie 3 O G = O A + O B + O C {\displaystyle 3{\overrightarrow {OG}}={\overrightarrow {OA}}+{\overrightarrow {OB}}+{\overrightarrow {OC}}} .

On peut également démontrer l'égalité à l'aide de l'homothétie de centre G et de rapport -1/2. La position de G au deux tiers des médianes permet de dire que l'image de (ABC) par cette homothétie est le triangle ( I 1 , I 2 , I 3 ) {\displaystyle (I_{1},I_{2},I_{3})} ayant pour sommets les milieux des côtés du triangle (ABC). Les images des hauteurs par cette homothétie sont des droites parallèles aux hauteurs et passant par ( I 1 , I 2 , I 3 ) {\displaystyle (I_{1},I_{2},I_{3})} sont les médiatrices du triangle (ABC). L'image de H, point de concours des hauteurs, est alors O, le point de concours des médiatrices. Les points G, H et O sont donc bien alignés et on a : G O = 1 2 G H {\displaystyle {\overrightarrow {GO}}=-{\frac {1}{2}}{\overrightarrow {GH}}} d'où O H = 3 O G {\displaystyle {\overrightarrow {OH}}=3{\overrightarrow {OG}}}

Représentations

Équation

On note A ^ , B ^ , C ^ {\displaystyle {\widehat {A}},{\widehat {B}},{\widehat {C}}} les angles aux sommets du triangle de référence, et on considère un point M de coordonnées trilinéaires (x : y : z). L'équation de la droite d'Euler s'écrit alors

sin ( 2 A ^ ) sin ( B ^ C ^ ) x + sin ( 2 B ^ ) sin ( C ^ A ^ ) y + sin ( 2 C ^ ) sin ( A ^ B ^ ) z = 0. {\displaystyle \sin(2{\hat {A}})\sin({\hat {B}}-{\hat {C}})x+\sin(2{\hat {B}})\sin({\hat {C}}-{\hat {A}})y+\sin(2{\hat {C}})\sin({\hat {A}}-{\hat {B}})z=0.}

En coordonnées barycentriques ( α , β , γ ) {\displaystyle (\alpha ,\beta ,\gamma )} , l'équation s'écrit [3]

( tan C ^ tan B ^ ) α + ( tan A ^ tan C ^ ) β + ( tan B ^ tan A ^ ) γ = 0. {\displaystyle (\tan {\hat {C}}-\tan {\hat {B}})\alpha +(\tan {\hat {A}}-\tan {\hat {C}})\beta +(\tan {\hat {B}}-\tan {\hat {A}})\gamma =0.}

Représentation paramétrique

On sait que le centre du cercle circonscrit a pour coordonnées trilinéaires (cos A : cos B : cos C) et que celles de l'orthocentre sont ( cos B cos C : cos C cos A : cos A cos B). Ainsi, tout point de la droite d'Euler différent de l'orthocentre a pour coordonnées trilinéaires :

( cos A ^ + t cos B ^ cos C ^ : cos B ^ + t cos C ^ cos A ^ : cos C ^ + t cos A ^ cos B ^ ) {\displaystyle (\cos {\hat {A}}+t\cos {\hat {B}}\cos {\hat {C}}:\cos {\hat {B}}+t\cos {\hat {C}}\cos {\hat {A}}:\cos {\hat {C}}+t\cos {\hat {A}}\cos {\hat {B}})}

avec t réel.

Ainsi, on obtient :

  • le centre du cercle circonscrit pour t = 0,
  • le centre de gravité, de coordonnées (cos A + cos B cos C : cos B + cos C cos A : cos C + cos A cos B), pour t = 1,
  • le centre du cercle d'Euler, de coordonnées (cos A + 2cos B cos C : cos B + 2cos C cos A : cos C + 2cos A cos B), pour t = 2,
  • le point de Longchamps, de coordonnées (cos A – cos B cos C : cos B – cos C cos A : cos C – cos A cos B), pour t = –1.

Longueurs des segments

Les longueurs des différents segments s'expriment en fonction des trois côtés du triangle et du rayon du cercle circonscrit : O G 2 = R 2 1 9 ( a 2 + b 2 + c 2 ) {\displaystyle OG^{2}=R^{2}-{\frac {1}{9}}(a^{2}+b^{2}+c^{2})} et donc, d'après la relation d'Euler ci-dessus, O H 2 = 9 R 2 ( a 2 + b 2 + c 2 ) {\displaystyle OH^{2}=9R^{2}-(a^{2}+b^{2}+c^{2})}

( a , b , c ) = ( B C , C A , A B ) {\displaystyle (a,b,c)=(BC,CA,AB)} et R {\displaystyle R} est le rayon du cercle circonscrit à ( A B C ) {\displaystyle (ABC)} [4],[5].

Comme de plus, R 2 = a 2 b 2 c 2 ( a + b + c ) ( a + b + c ) ( a b + c ) ( a + b c ) {\displaystyle R^{2}={a^{2}b^{2}c^{2} \over {(a+b+c)(-a+b+c)(a-b+c)(a+b-c)}}} , O G , O H  et  G H {\displaystyle OG,OH{\text{ et }}GH} s'expriment comme fonctions symétriques des longueurs a, b et c.

Démonstration de l'égalité concernant OG

D'après la formule de la fonction scalaire de Leibnitz f ( M ) = f ( G ) + 3 M G 2 {\displaystyle f(M)=f(G)+3MG^{2}} , on a :

O A 2 + O B 2 + O C 2 = G A 2 + G B 2 + G C 2 + 3 O G 2 {\displaystyle OA^{2}+OB^{2}+OC^{2}=GA^{2}+GB^{2}+GC^{2}+3OG^{2}}

On a donc :

O G 2 = R 2 1 3 ( A G 2 + B G 2 + C G 2 ) . {\displaystyle OG^{2}=R^{2}-{\frac {1}{3}}(AG^{2}+BG^{2}+CG^{2}).}

Considérons maintenant le point A', symétrique de A par rapport au milieu I1 de [BC].

  • D'une part, A G = 2 3 A I 1 = 1 3 A A . {\displaystyle {\overrightarrow {AG}}={\frac {2}{3}}{\overrightarrow {AI_{1}}}={\frac {1}{3}}{\overrightarrow {AA'}}.}
  • D'autre part, (ABA'C) est un parallélogramme, et la règle du parallélogramme indique que :
A A 2 + a 2 = 2 b 2 + 2 c 2 . {\displaystyle AA'^{2}+a^{2}=2b^{2}+2c^{2}.}

Donc A G 2 = 1 9 A A 2 = 1 9 ( 2 b 2 + 2 c 2 a 2 ) , {\displaystyle AG^{2}={\frac {1}{9}}AA'^{2}={\frac {1}{9}}(2b^{2}+2c^{2}-a^{2}),}

A G 2 + B G 2 + C G 2 = 1 3 ( a 2 + b 2 + c 2 ) , {\displaystyle AG^{2}+BG^{2}+CG^{2}={\frac {1}{3}}(a^{2}+b^{2}+c^{2}),}

et finalement :

O G 2 = R 2 1 9 ( a 2 + b 2 + c 2 ) . {\displaystyle OG^{2}=R^{2}-{\frac {1}{9}}(a^{2}+b^{2}+c^{2}).}

Extension au tétraèdre

Droite d'Euler d'un tétraèdre

Le tétraèdre possède aussi une droite remarquable, désignée par analogie "droite d'Euler". Elle est définie pour un tétraèdre non équifacial par les trois points suivants :

  • le centre de gravité G, point d'intersection des quatre droites joignant un sommet au centre de gravité de la face opposée, ainsi que des trois droites joignant les milieux de deux arêtes opposées
  • le point de Monge M, intersection des six plans orthogonaux à une arête et passant par le milieu de l'arête opposée [6]
  • le centre de la sphère circonscrite O.

Le centre de gravité est le milieu du segment joignant centre de la sphère circonscrite au point de Monge ( O M = 2 O G ) {\displaystyle ({\overrightarrow {OM}}=2{\overrightarrow {OG}})} .

Il existe aussi une sphère des douze points, ou première sphère d'Euler, dont le centre Ω {\displaystyle \Omega } se trouve sur la droite d'Euler ( O Ω = 2 3 O M ) {\displaystyle ({\overrightarrow {O\Omega }}={\frac {2}{3}}{\overrightarrow {OM}})} .

Références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Euler line » (voir la liste des auteurs).
  1. (la) Leonhard Euler, Solutio facilis problematum quorundam geometricorum difficillimorum (lire en ligne) sur le site de Euler Archive, rem page 114.
  2. (en) Eric W. Weisstein, « Euler Line », sur MathWorld
  3. (en) J.A. Scott, « Some examples of the use of areal coordinates in triangle geometry », Mathematical Gazette, no 83,‎ , p. 472-477.
  4. La preuve donnée ici est inspirée de celle donnée par Alexander Bogomolny sur la page Sum of Squares of Distances to Vertices de Cut The Knot.
  5. Une autre preuve, faisant appel aux nombres complexes, est proposée par Bogomolny sur la page Distance between the Orthocenter and Circumcenter
  6. Point de Monge d'un tétraèdre.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Jean-Denis Eiden, Géométrie analytique classique, Calvage et Mounet, 2009 (ISBN 978-2-91-635208-4)
  • Petite encyclopédie de mathématique, Didier
  • Jean Fresnel, Méthodes modernes en géométrie, Paris, Hermann, , 3e éd., 411 p. (ISBN 978-2-7056-7084-9)
  • Bruno Ingrao, Coniques affines, euclidiennes et projectives, Calvage et Mounet (ISBN 978-2-916352-12-1)
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