Théorème de Helly

Théorème de Helly dans le plan : si trois quelconques des convexes de la famille se rencontrent alors l'intersection de tous ces convexes est non vide.

Le théorème de Helly est un résultat combinatoire de géométrie sur les convexes. Ce résultat a été prouvé en 1913 par Eduard Helly, et il a été publié par Johann Radon en 1921[1],[2].

Énoncé

Théorème — On considère X 1 , X 2 , , X n {\displaystyle X_{1},X_{2},\dots ,X_{n}} une famille finie de n {\displaystyle n} ensembles convexes de R d {\displaystyle \mathbb {R} ^{d}} (où on suppose que n d + 2 {\displaystyle n\geq d+2} ). On suppose que, pour tout choix de d + 1 {\displaystyle d+1} convexes parmi X 1 , X 2 , , X n {\displaystyle X_{1},X_{2},\dots ,X_{n}} , ces d + 1 {\displaystyle d+1} convexes se rencontrent. Il existe alors un point qui appartient à tous les X i {\displaystyle X_{i}} .

Il est facile d'étendre le théorème à des familles infinies d'ensembles convexes, en rajoutant une hypothèse de compacité

Corollaire — Si ( X i ) i I {\displaystyle (X_{i})_{i\in I}} est une collection de sous-ensembles compacts convexes de R d {\displaystyle \mathbb {R} ^{d}} et que pour toute partie J I {\displaystyle J\subset I} finie de cardinal supérieur ou égal à d + 1 {\displaystyle d+1} , j J X j {\displaystyle \bigcap _{j\in J}X_{j}\neq \varnothing } alors l'intersection de tous les X i {\displaystyle X_{i}} est non vide, c'est-à-dire : i I X i {\displaystyle \bigcap _{i\in I}X_{i}\neq \varnothing } .

Preuves

On donne la preuve dans le cas fini (le cas infini se ramène au cas fini par un argument de compacité).

Il y a plusieurs preuves du théorème de Helly[3], mais toutes se prêtent bien à être aiguillées par l'énoncé intermédiaire suivant :

Énoncé intermédiaire — Dans un espace affine de dimension d {\displaystyle d} , soit A = ( a 1 , , a d + 2 ) {\displaystyle A=(a_{1},\ldots ,a_{d+2})} un d + 2 {\displaystyle d+2} -uplet de points. Pour chaque indice i {\displaystyle i} variant entre 1 {\displaystyle 1} et d + 2 {\displaystyle d+2} , on note Δ i = C o n v ( a 1 , , a i 1 , a i + 1 , , a d + 2 ) {\displaystyle \Delta _{i}=\mathrm {Conv} \left(a_{1},\dots ,a_{i-1},a_{i+1},\ldots ,a_{d+2}\right)} l'enveloppe convexe des points de A {\displaystyle A} autres que le point a i {\displaystyle a_{i}} .

Il existe alors un point commun aux d + 2 {\displaystyle d+2} simplexes Δ i {\displaystyle \Delta _{i}} .

Dans tous les modes de démonstration, il y a un travail géométrique un peu subtil à faire pour parvenir à cet énoncé intermédiaire ; en revanche terminer la preuve ne demande pas d'idée bien compliquée.

Commençons donc par le plus facile, en montrant que l'énoncé intermédiaire entraîne le théorème de Helly sous la forme donnée plus haut.

Supposons d'abord que n = d + 2 {\displaystyle n=d+2} . Les hypothèses du théorème assurent l'existence d'un point a 1 {\displaystyle a_{1}} qui se trouve dans l'intersection des X 2 , X 3 , , X d + 2 {\displaystyle X_{2},X_{3},\dots ,X_{d+2}} .

a 1 i = 2 d + 2 X i {\displaystyle a_{1}\in \bigcap _{i=2}^{d+2}X_{i}}

De la même manière on peut définir pour tout j { 1 , 2 , , d + 2 } {\displaystyle j\in \{1,2,\dots ,{d+2}\}} un élément a j {\displaystyle a_{j}} dans l'intersection des X i , i j {\displaystyle X_{i},i\neq j}

a j i = 1 , i j d + 2 X i . {\displaystyle a_{j}\in \bigcap _{i=1,i\neq j}^{d+2}X_{i}.}

Appliquons l'énoncé intermédiaire à ces points : il fournit un point x {\displaystyle x} qui est à la fois dans tous les simplexes Δ i {\displaystyle \Delta _{i}} . Mais, par définition de Δ i {\displaystyle \Delta _{i}} , tous les sommets de ce simplexe sont dans X i {\displaystyle X_{i}} , qui est convexe. Donc x {\displaystyle x} est un point de X i {\displaystyle X_{i}} pour tout i.

À présent, raisonnons par récurrence : supposons que n > d + 2 {\displaystyle n>d+2} et que le résultat soit vrai au rang n 1 {\displaystyle n-1} . Le raisonnement précédent montre que toute intersection de d + 2 {\displaystyle d+2} ensembles convexes est non vide. On considère la nouvelle collection obtenue en remplaçant X n 1 {\displaystyle X_{n-1}} et X n {\displaystyle X_{n}} par l'ensemble X n 1 X n . {\displaystyle X_{n-1}\cap X_{n}.}

Dans cette nouvelle collection, chaque intersection de d + 1 {\displaystyle d+1} ensembles est non vide. L'hypothèse de récurrence implique donc que l'intersection de cette nouvelle collection est non vide ; mais cette intersection est la même que celle de la collection initiale.

On va maintenant donner plusieurs preuves de l'énoncé intermédiaire.

Première preuve : via le théorème de Radon

S'il y a une répétition dans la liste de points ( a 1 , , a d + 2 ) {\displaystyle (a_{1},\ldots ,a_{d+2})} , disons a j = a k {\displaystyle a_{j}=a_{k}} , avec j k {\displaystyle j\neq k} , alors a j {\displaystyle a_{j}} est clairement dans l'intersection i = 1 d + 2 Δ i {\displaystyle \bigcap _{i=1}^{d+2}\Delta _{i}} , et la propriété est prouvée. Sinon, on applique le théorème de Radon à l'ensemble A = { a 1 , a 2 , , a d + 2 } {\displaystyle A=\{a_{1},a_{2},\dots ,a_{d+2}\}} .

Ce théorème assure l'existence de deux sous-ensembles disjoints A 1 , A 2 A {\displaystyle A_{1},A_{2}\subset A} tels que l'enveloppe convexe de A 1 {\displaystyle A_{1}} intersecte celle de A 2 {\displaystyle A_{2}} . Il existe donc un point x {\displaystyle x} appartenant à l'intersection des deux enveloppes convexes de A 1 {\displaystyle A_{1}} et A 2 {\displaystyle A_{2}} . On va montrer que l'intersection des Δ i {\displaystyle \Delta _{i}} contient ce point x {\displaystyle x} , ce qui démontrera l'énoncé intermédiaire.

Prenons j { 1 , 2 , , d + 2 } {\displaystyle j\in \{1,2,\dots ,{d+2}\}} . Si a j A 1 {\displaystyle a_{j}\in A_{1}} , alors a j A 2 {\displaystyle a_{j}\notin A_{2}} , et par conséquent tous les points de A 2 {\displaystyle A_{2}} sont des a k {\displaystyle a_{k}} avec k j {\displaystyle k\not =j} . Or de tels points sont dans Δ j {\displaystyle \Delta _{j}} par définition, et donc A 2 Δ j {\displaystyle A_{2}\subset \Delta _{j}} . Comme Δ j {\displaystyle \Delta _{j}} est convexe, il contient alors l'enveloppe convexe de A 2 {\displaystyle A_{2}} et par conséquent on a : x Δ j {\displaystyle x\in \Delta _{j}} . De la même manière, si a j A 1 {\displaystyle a_{j}\notin A_{1}} , alors A 1 Δ j {\displaystyle A_{1}\subset \Delta _{j}} , et le même raisonnement donne x Δ j {\displaystyle x\in \Delta _{j}} . Le point x fourni par Radon est donc bien commun à tous les Δ i {\displaystyle \Delta _{i}} .

Deuxième preuve : via le théorème de Carathéodory

On munit l'espace affine d'une structure euclidienne.

Sur le polytope compact enveloppe convexe des points de A = ( a 1 , , a d + 2 ) {\displaystyle A=(a_{1},\ldots ,a_{d+2})} , on considère la fonction continue f {\displaystyle f} définie par :

f ( x ) = M a x 1 i d + 2 ( d ( x , Δ i ) ) {\displaystyle f(x)=\mathrm {Max} _{1\leq i\leq d+2}\left(d(x,\Delta _{i})\right)}

puis on prend un point x {\displaystyle x} de ce polytope en lequel elle admet son minimum. Montrer que les simplexes se rencontrent revient donc à montrer que f ( x ) = 0 {\displaystyle f(x)=0} .

Le théorème de Carathéodory assure qu'on peut extraire de A {\displaystyle A} une sous-famille avec seulement d + 1 {\displaystyle d+1} points dont x {\displaystyle x} est barycentre à coefficients positifs, autrement dit qu'il existe un indice i {\displaystyle i} tel que x {\displaystyle x} appartient à Δ i {\displaystyle \Delta _{i}} . Quitte à renuméroter les points de A {\displaystyle A} , on supposera que x {\displaystyle x} appartient à Δ 1 {\displaystyle \Delta _{1}} .

Pour θ [ 0 , 1 ] {\displaystyle \theta \in [0,1]} , on va noter x θ = ( 1 θ ) x + θ a 1 {\displaystyle x_{\theta }=(1-\theta )x+\theta a_{1}} le point courant du segment [ x , a 1 ] {\displaystyle [x,a_{1}]} .

L'idée de la fin de la preuve est alors la suivante : puisque a 1 {\displaystyle a_{1}} est dans Δ 2 Δ d + 2 {\displaystyle \Delta _{2}\cap \cdots \cap \Delta _{d+2}} , quand on fait glisser x θ {\displaystyle x_{\theta }} le long du segment [ x , a 1 ] {\displaystyle [x,a_{1}]} en direction de a 1 {\displaystyle a_{1}} , ce point se rapproche de tous les simplexes Δ 2 , , Δ d + 2 {\displaystyle \Delta _{2},\ldots ,\Delta _{d+2}} . Par ailleurs, il s'éloigne peut-être de Δ 1 {\displaystyle \Delta _{1}} , mais au départ il en était à distance nulle et pour θ {\displaystyle \theta } petit il en est encore à distance très petite et donc sans influence sur la valeur f ( x θ ) {\displaystyle f(x_{\theta })} (puisque c'est un M a x {\displaystyle \mathrm {Max} } ) —du moins si f ( x ) 0 {\displaystyle f(x)\not =0} . Le résultat de ces observations, c'est que f ( x θ ) {\displaystyle f(x_{\theta })} commence par diminuer quand θ {\displaystyle \theta } augmente en restant suffisamment petit, et diminue même strictement si f ( x ) 0 {\displaystyle f(x)\not =0} . Ceci contredit la minimalité de f ( x ) {\displaystyle f(x)} .

Exécution technique de l'idée ci-dessus

Prenons θ ] 0 , 1 ] {\displaystyle \theta \in ]0,1]} et accumulons des informations sur f ( x θ ) {\displaystyle f(x_{\theta })} .

  • Tout d'abord, puisque la valeur f ( x ) {\displaystyle f(x)} est le minimum de f {\displaystyle f} ,
( 1 ) f ( x ) f ( x θ ) = M a x 1 i d + 2 ( d ( x θ , Δ i ) ) {\displaystyle (1)\qquad f(x)\leq f(x_{\theta })=\mathrm {Max} _{1\leq i\leq d+2}\left(d(x_{\theta },\Delta _{i})\right)}
  • Ensuite, soit un indice i {\displaystyle i} avec 2 i d + 2 {\displaystyle 2\leq i\leq d+2} . Notons π i ( x ) {\displaystyle \pi _{i}(x)} la projection de x {\displaystyle x} sur le convexe fermé Δ i {\displaystyle \Delta _{i}} . En remarquant que le point ( 1 θ ) π i ( x ) + θ a 1 {\displaystyle (1-\theta )\pi _{i}(x)+\theta a_{1}} est sur Δ i {\displaystyle \Delta _{i}} (comme point d'un segment dont les deux extrémités sont sur Δ i {\displaystyle \Delta _{i}} ), la distance de x θ {\displaystyle x_{\theta }} à Δ i {\displaystyle \Delta _{i}} est inférieure ou égale à la distance de x θ {\displaystyle x_{\theta }} à ( 1 θ ) π i ( x ) + θ a 1 {\displaystyle (1-\theta )\pi _{i}(x)+\theta a_{1}} , qui vaut ( 1 θ ) d ( x , Δ i ) {\displaystyle (1-\theta )d(x,\Delta _{i})} .

L'inégalité (1) peut donc se préciser en :

f ( x ) f ( x θ ) = M a x ( d ( x θ , Δ 1 ) , M a x 2 i d + 2 ( ( 1 θ ) d ( x , Δ i ) ) ) = M a x ( d ( x θ , Δ 1 ) , ( 1 θ ) f ( x ) ) . {\displaystyle f(x)\leq f(x_{\theta })=\mathrm {Max} \left(d(x_{\theta },\Delta _{1}),\mathrm {Max} _{2\leq i\leq d+2}\left((1-\theta )d(x,\Delta _{i})\right)\right)=\mathrm {Max} \left(d(x_{\theta },\Delta _{1}),(1-\theta )f(x)\right).}

Si f(x)=0, on a terminé. Sinon, l'inégalité précédente entraîne alors l'inégalité beaucoup plus simple : f ( x ) d ( x θ , Δ 1 ) {\displaystyle f(x)\leq d(x_{\theta },\Delta _{1})} dans laquelle, en faisant tendre θ {\displaystyle \theta } vers 0 {\displaystyle 0} , on trouve encore f ( x ) = 0 {\displaystyle f(x)=0} .

Troisième preuve : par le théorème de Carathéodory et le lemme de Farkas

On va montrer le théorème par l'absurde. Supposons donc l'intersection des Δ i {\displaystyle \Delta _{i}} vide.

Chacun des simplexes Δ i {\displaystyle \Delta _{i}} est une intersection d'un nombre fini de demi-espaces. Énumérons la liste complète de ces demi-espaces R 1 , R 2 , , R k {\displaystyle R_{1},R_{2},\ldots ,R_{k}} de R d {\displaystyle \mathbb {R} ^{d}} . On remarque tout de suite que l'intersection des Δ i {\displaystyle \Delta _{i}} est égale à l'intersection des R j {\displaystyle R_{j}} qui est donc elle aussi vide.

Pour chacun de ces demi-espaces, prenons une forme affine f j {\displaystyle f_{j}} pour laquelle R j = { x E f j ( x ) 0 } {\displaystyle R_{j}=\{x\in E\,\mid \,f_{j}(x)\geq 0\}} .

Par le lemme de Farkas sous sa forme de critère de consistance pour un système d'inéquations affines, il existe donc une combinaison linéaire à coefficients positifs des f j {\displaystyle f_{j}} égale à la forme constante 1 {\displaystyle -1} . Dit autrement, il existe un λ > 0 {\displaystyle \lambda >0} tel que λ {\displaystyle -\lambda } soit dans l'enveloppe convexe des f j {\displaystyle f_{j}} .

Par le théorème de Carathéodory, il existe une sous-collection d'au plus d + 1 {\displaystyle d+1} de ces f j {\displaystyle f_{j}} qui contienne encore λ {\displaystyle -\lambda } dans son enveloppe convexe. En réappliquant le lemme de Farkas (dans ce sens c'est une évidence), l'intersection des R j {\displaystyle R_{j}} correspondants est alors vide.

Pour chacun d'entre eux, prenons un simplexe qu'il contient parmi la liste des Δ i {\displaystyle \Delta _{i}}  : ces simplexes sont au plus d + 1 {\displaystyle d+1} donc se rencontrent par hypothèse. C'est contradictoire.

Application

Dans le plan, soient S1, …, Sq des segments portés par q droites parallèles. Si les segments Si admettent trois à trois une sécante commune alors il existe une droite qui les rencontre tous. En effet, en choisissant un repère pour lequel les Si sont parallèles à l'axe Oy, les Xi = { (a,b) | la droite d'équation y = ax+b rencontre Si } sont des convexes de R2 auxquels on peut appliquer le théorème de Helly.

Notes et références

  1. (de) Johann Radon, « Mengen konvexer Körper, die einen gemeinsamen Punkt enthalten », dans Math. Ann., 83:113-115, 1921
  2. (en) Jiří Matoušek, Lectures on Discrete Geometry [détail des éditions]
  3. Les deux premières données ci-dessous sont adaptées de l'ouvrage d'Eggleston référencé ci-dessous, p. 33-34 pour la première, qui est celle publiée par Radon, p. 39-40 pour la seconde. La troisième est de Terence Tao qui l'a publiée sur son blog le 30 novembre 2007 et est disponible en ligne.
  • H. G. Eggleston, Convexity, Cambridge University Press, coll. « Cambridge Tracts in Mathematics » (no 47), , viii + 136 (ISBN 9780511566172, DOI 10.1017/CBO9780511566172).
  • Steven R. Lay, Convex sets and their applications, John Wiley & Sons, coll. « Pure and Applied Mathematics », , xvi + 244 (zbMATH 0492.52001).

Voir aussi

  • Théorème de Kirchberger, par exemple dans (en) Alexander Barvinok, A Course in Convexity, AMS, coll. « GSM » (no 54), , 366 p. (ISBN 978-0-8218-2968-4, lire en ligne), 21
  • Théorème de Tverberg
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