Hiérarchie de Borel

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La hiérarchie de Borel désigne une description de la tribu des boréliens d'un espace topologique X comme une réunion croissante d'ensembles de parties de X, indexée par le premier ordinal non dénombrable.

Notations préliminaires

Soit E {\displaystyle {\mathcal {E}}} un ensemble de parties d'un ensemble X. On note :

  • E σ {\displaystyle {\mathcal {E}}_{\sigma }} l'ensemble des unions dénombrables d'éléments de E {\displaystyle {\mathcal {E}}}  : E σ = { n N A n   |   ( A n ) n N E } {\displaystyle {\mathcal {E}}_{\sigma }=\left\{\left.\cup _{n\in \mathbb {N} }A_{n}~\right|~(A_{n})_{n\in \mathbb {N} }\subset {\mathcal {E}}\right\}}
  • E δ {\displaystyle {\mathcal {E}}_{\delta }} l'ensemble des intersections dénombrables d'éléments de E {\displaystyle {\mathcal {E}}}  : E δ = { n N A n   |   ( A n ) n N E } . {\displaystyle {\mathcal {E}}_{\delta }=\left\{\left.\cap _{n\in \mathbb {N} }A_{n}~\right|~(A_{n})_{n\in \mathbb {N} }\subset {\mathcal {E}}\right\}.}

Les lettres grecques σ et δ représentent respectivement les mots allemands désignant la réunion (Summe) et l'intersection (Durchschnitt)[1].

On note par ailleurs ω1 le premier ordinal non dénombrable, c'est-à-dire l'ensemble des ordinaux dénombrables.

Définition de la hiérarchie de Borel

Soient X un espace topologique métrisable, G l'ensemble de ses ouverts et F l'ensemble de ses fermés (F est l'initiale de « fermé », et G celle de « Gebiet » : « domaine (en) » en allemand)[1].

On initialise une induction transfinie sur l'ordinal αω1 en notant :

Σ 1 0 = G e t Π 1 0 = F . {\displaystyle \mathbf {\Sigma } _{1}^{0}=G\quad {\rm {et}}\quad \mathbf {\Pi } _{1}^{0}=F.}

Puis, on définit alors par induction transfinie deux familles d'ensembles :

Σ α 0 = ( β < α Π β 0 ) σ e t Π α 0 = ( β < α Σ β 0 ) δ . {\displaystyle \mathbf {\Sigma } _{\alpha }^{0}=\left(\bigcup _{\beta <\alpha }\mathbf {\Pi } _{\beta }^{0}\right)_{\sigma }\quad {\rm {et}}\quad \mathbf {\Pi } _{\alpha }^{0}=\left(\bigcup _{\beta <\alpha }\mathbf {\Sigma } _{\beta }^{0}\right)_{\delta }.}

Finalement pour chaque ordinal dénombrable α, on note :

Δ α 0 = Σ α 0 Π α 0 . {\displaystyle \mathbf {\Delta } _{\alpha }^{0}=\mathbf {\Sigma } _{\alpha }^{0}\cap \mathbf {\Pi } _{\alpha }^{0}.}

Par exemple :

  • Δ0
    1
    est l'ensemble des parties de X qui sont à la fois ouvertes et fermées ;
  • Σ0
    2
    , également noté[2] Fσ, est l'ensemble des unions dénombrables de fermés ;
  • Π0
    2
    , également noté[2] Gδ, est l'ensemble des intersections dénombrables d'ouverts[3] ;
  • Σ0
    3
    , également noté Gδσ, est l'ensemble des unions dénombrables d'éléments de Π0
    2
    = Gδ ;
  • Π0
    3
    , également noté Fσδ, est l'ensemble des intersections dénombrables d'éléments de Σ0
    2
    = Fσ.

Les ensembles Σ0
α
, Π0
α
et Δ0
α
sont respectivement appelés classes additives, multiplicatives et ambiguës. La famille ordonnée par inclusion formée par la totalité de ces classes (pour αω1) est appelée la hiérarchie de Borel.

Propriétés élémentaires

  • Les classes additives sont closes par unions dénombrables, et les classes multiplicatives sont closes par intersections dénombrables.
  • Pour chaque ordinal dénombrable α, les éléments de Σ0
    α
    sont les complémentaires des éléments de Π0
    α
    .
  • Pour tout ordinal dénombrable α, Δ0
    α
    est une algèbre d'ensembles.
  • Les classes de la hiérarchie de Borel sont emboitées les unes dans les autres comme indiqué sur le schéma ci-dessous, les flèches symbolisant l'inclusion :

Σ 1 0 Σ 2 0 Δ 1 0 Δ 2 0 Π 1 0 Π 2 0 Σ α 0 Δ α 0 Δ α + 1 0 Π α 0 {\displaystyle {\begin{matrix}&&\mathbf {\Sigma } _{1}^{0}&&&&\mathbf {\Sigma } _{2}^{0}&&\cdots \\&\nearrow &&\searrow &&\nearrow \\\mathbf {\Delta } _{1}^{0}&&&&\mathbf {\Delta } _{2}^{0}&&&&\cdots \\&\searrow &&\nearrow &&\searrow \\&&\mathbf {\Pi } _{1}^{0}&&&&\mathbf {\Pi } _{2}^{0}&&\cdots \end{matrix}}{\begin{matrix}&&\mathbf {\Sigma } _{\alpha }^{0}&&&\cdots \\&\nearrow &&\searrow \\\quad \mathbf {\Delta } _{\alpha }^{0}&&&&\mathbf {\Delta } _{\alpha +1}^{0}&\cdots \\&\searrow &&\nearrow \\&&\mathbf {\Pi } _{\alpha }^{0}&&&\cdots \end{matrix}}}

  • Dans X (espace métrisable), tout fermé est un Gδ (et, trivialement, un Fσ).
  • Dans , ℚ est un Fσ (comme toute partie dénombrable d'un espace T1) donc ℝ\ℚ est un Gδ.
  • Dans ℝ, ℚ n'est pas un Gδ. En effet, sinon — puisque ℚ et ℝ\ℚ sont denses — l'ensemble vide serait comaigre, ce qui contredirait le théorème de Baire.

Exhaustion de la tribu borélienne

Si l'on note B {\displaystyle {\mathcal {B}}} la tribu borélienne sur X, on peut montrer que :

B = 1 α < ω 1 Σ α 0 = 1 α < ω 1 Π α 0 = 1 α < ω 1 Δ α 0 . {\displaystyle {\mathcal {B}}=\bigcup _{1\leq \alpha <\omega _{1}}\mathbf {\Sigma } _{\alpha }^{0}=\bigcup _{1\leq \alpha <\omega _{1}}\mathbf {\Pi } _{\alpha }^{0}=\bigcup _{1\leq \alpha <\omega _{1}}\mathbf {\Delta } _{\alpha }^{0}.}

Classes de Borel de fonctions

Une fonction f : XY (avec X et Y métrisables) est dite Borel-mesurable de classe α si pour tout ouvert U de Y, f−1(U) appartient à la classe additive Σ0
α
+1
de X ou encore : pour tout fermé F de Y, f−1(F) appartient à la classe multiplicative Π0
α+1
.

Les fonctions de classe de Borel 0 sont donc les fonctions continues, tout comme les fonctions de classe de Baire 0.

Toute fonction de classe de Baire 1 est de classe de Borel 1, autrement dit : pour toute fonction f : XY limite simple d'une suite de fonctions continues et tout ouvert U de Y, f−1(U) est un Fσ.

Démonstration

Soient (fm) une telle suite et F un fermé de Y, montrons que f−1(F) est un Gδ. Pour tout point x de f−1(F), d(fm(x), F) ≤ d(fm(x), f(x)) → 0 donc pour tout entier n > 0, en notant Sn le 1/n-voisinage ouvert de F

S n := { y Y d ( y , F ) < 1 n } , {\displaystyle S_{n}:=\left\{y\in Y\mid d(y,F)<{\tfrac {1}{n}}\right\},}

il existe au moins un entier mn tel que fm(x) ∈ Sn (en fait : tous les entiers m à partir d'un certain rang), ce qui s'écrit :

f 1 ( F ) n N m n f m 1 ( S n ) . {\displaystyle f^{-1}(F)\subset \bigcap _{n\in \mathbb {N} ^{*}}\bigcup _{m\geq n}f_{m}^{-1}(S_{n}).}

Réciproquement, si, pour un point x, il existe une suite d'entiers mnn tels que d(fmn(x), F) < 1/n, alors d(f(x), F) = 0, c'est-à-dire (puisque F est fermé) f(x) ∈ F. L'inclusion précédente est donc une égalité, et f−1(F) est bien une intersection dénombrable d'ouverts (eux-mêmes réunions dénombrables d'ensembles de la forme fm−1(Sn), qui sont ouverts par continuité des fm).

On démontre exactement de la même façon[4],[5] que plus généralement, toute limite simple d'une suite de fonctions de classe de Borel α est de classe de Borel α + 1.

On en déduit facilement que toute fonction de classe de Baire α est de classe de Borel α si l'ordinal α est fini, et α + 1 s'il est infini (en écrivant α = λ + n avec n entier et λ nul ou ordinal limite, et en raisonnant par récurrence et induction)[6].

La réciproque est fausse en général[7], mais vraie si Y = [0, 1]κ avec κ fini ou dénombrable : c'est le théorème de Lebesgue-Hausdorff[6],[8].

Notes et références

  • Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Classe de Baire » (voir la liste des auteurs).
  • (en) S. M. Srivastava, A Course on Borel Sets, Springer, (1re éd. 1998) (lire en ligne), p. 115-117
  1. a et b Walter Rudin, Analyse réelle et complexe [détail des éditions], 1978, p. 12.
  2. a et b Cette terminologie est due à Felix Hausdorff : cf. Rudin 1978, p. 12.
  3. Une propriété satisfaite par tous les éléments d'un Gδ dense est dite générique. Il arrive qu'on qualifie de « génériques » les éléments de l'ensemble eux-mêmes.
  4. Casimir Kuratowski, Topologie, vol. 1, Varsovie, PAN, , 4e éd. (1re éd. 1933), p. 293 (§ 27, VIII).
  5. (en) Gustave Choquet, Lectures on Analysis, vol. 1, W. A. Benjamin, , p. 135-136.
  6. a et b Kuratowski 1958, p. 299-300.
  7. Par exemple pour X = [0, 1] et Y = {0, 1}, la fonction caractéristique de {1} est de classe 1 au sens de Borel (le singleton et son complémentaire sont des Fσ) mais pas au sens de Baire.
  8. (en) R. W. Hansell, « On Borel mappings and Baire functions », Trans. Amer. Math. Soc., vol. 194,‎ , p. 195-211 (lire en ligne).

Voir aussi

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